Atomic Research (AR): Table Ronde #1

Sylvain Dore
Atomic Research

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Introduction

Dans le cadre d‘une mission pour un client, en tant qu’UX Researcher, nous souhaitions déployer l’Atomic Research pour différentes raisons.

Suite à des tests et premières réflexions sur le sujet, nous avons jugé intéressant d’échanger avec des spécialistes pour déployer cette approche de la meilleure des façons possibles.

Après quelques échanges positifs, nous avons eu la chance d’animer cette table ronde composée d’experts de la recherche et du produit. Durant ce moment unique, nous avons été plongés dans le déploiement de la méthode, ce qui nous a permis d’en tirer des leçons et d’apporter des réponses et éclaircissements aux participants.

Voici les principaux thèmes abordés lors de cette première table ronde :

  • Le contexte et les raisons qui ont poussé les intervenants à adopter l’Atomic Research ;
  • Les bonnes pratiques et les choses à ne pas oublier avant de se lancer ;
  • Les caractéristiques et valeur des facts, insights et recommandations ;
  • Les hacks et évolutions de la méthode initiale ;

Nous espérons que cette première table ronde vous plaira. Très bonne écoute à toutes et à tous 🙌

Les experts

https://www.linkedin.com/in/audrey-hacq-4440652a/
https://www.linkedin.com/in/mathieuklein/
https://www.linkedin.com/in/mathilde-philippe-4ba194109/

Vidéo conférence de la table ronde

Synthèse de la table ronde

Première question posée aux experts : Quels sont les raisons et besoins qui ont fait que vous avez décidé de lancer l’Atomic Research (AR) dans votre entreprise (en tant que consultant ou en tant qu’interne) ?

1- Un besoin de structurer la recherche face à l’évolution croissante des équipes produit et de leur maturité UX

Les approches UX sont victimes de leurs succès et de plus en plus de personnes dans l’entreprise acceptent d’être au contact des utilisateurs. L’Atomic Research est un formidable moyen d’aider chaque membre de l’entreprise à comprendre comment la recherche fonctionne et comment la structurer.

De plus, des entreprises comme Payfit (représentée par Mathilde Gauthier) peuvent être présentes dans différents pays et réaliser de la recherche utilisateur dans différentes langues. Il peut être compliqué d’agréger toutes ces données afin de les exploiter. L’Atomic Research aide à unifier et catégoriser toutes les informations afin d’avoir une vision plus globale.

2- Un besoin de s’appuyer sur des outils et des méthodes à cause d’une trop grande quantité de sources, de faits et d’insights à gérer

Plus le produit grandit et plus la connaissance utilisateur augmente. La gestion de telles quantités de données peut être difficile pour le researcher et pour l’équipe. L’AR est composée d’outils formidables pour aider le researcher à structurer et travailler sur ces montagnes de données d’une part, et d’autre part, c’est un formidable outil pour aider les équipes à rationaliser et exploiter tout le travail déjà effectué.

3- Une tendance à transformer, à oublier ou à négliger les éléments des recherches précédentes consolidées dans des présentations

La consolidation des insights et recommandations finit sur des présentations la plupart du temps. Dans le temps, ce livrable n’est pas viable. Les informations ont tendance à se perdre ou à se transformer. La base de connaissances très structurée sur laquelle se repose l’AR aide les équipes à garder une qualité de la connaissance utilisateur dans le temps.

4- Un besoin de respecter le temps que les utilisateurs nous accordent

Le but en adoptant une démarche d’Atomic Research est d’être respectueux du temps que les utilisateurs nous accordent gratuitement pour la recherche. On va tout utiliser, réutiliser et se partager l’information. Cela amène un certain nombre de contraintes mais pour nous c’est une manière d’optimiser notre temps et celui de nos utilisateurs. Mathilde Gauthier

Tous les participants s’accordent à dire que le temps que les utilisateurs acceptent de donner (parfois gratuitement) est important. L’impossibilité de consolider et partager les données récoltées est un vrai problème pour les researchers qui souhaitent respecter et capitaliser sur tout ce que les utilisateurs expriment.

5- Un besoin de passer d’une recherche court terme à une recherche long terme qui se traduit par la structuration et l’ordonnancement des données

Au fur et à mesure que la recherche se structure et se développe, la connaissance devient de plus en plus utile dans les projets et pour les équipes. La recherche utilisateur réalisée de manière ponctuelle au début de la construction d’un produit devient de plus en plus récurrente et finit par être exploitée sans arrêt dans les différents projets. Ce qui génère plus de datas et plus de personnes qui chaque jour utilisent la recherche utilisateur. La structuration devient donc nécessaire afin que l’ensemble des connaissances utilisateurs aide au développement de l’entreprise sur le long terme.

Deuxième question posée aux experts : Comment vous êtes vous lancés dans l’Atomic Research ? Quelles sont les bonnes pratiques avant de se lancer ?

1- La réflexion prendra plus de temps que le Setup de l’outil

La mise en place de l’Atomic Research dépend de l’évolution de l’entreprise et du produit. Avoir une connaissance de la stratégie, de l’évolution du produit et de son équipe est nécessaire pour comprendre comment les outils et l’approche vont être déployés. Les questions que vous pouvez vous posez sont :

  • Comment la donnée transite dans l’entreprise ?
  • Qui est concerné par l’exploitation de la donnée ?
  • Qui fait de la recherche maintenant et à terme ?
  • Combien d’équipe produit maintenant et à terme ?
  • Dans quels pays ? Et dans quelles langues ?
  • Combien de temps nécessaire à la traduction ?
  • Y a t-il des verticales ?
  • Combien de personnes confirment les insights ?
  • Quelle est l’enveloppe budgétaire cible ?

Toutes ces réflexions prendront plus de temps que la mise en place de l’outil.

2- Pour débuter, basez-vous sur l’existant

Démarrer d’une page blanche est difficile. Les experts recommandent de commencer par la connaissance utilisateur existante. Elle est conséquente dans la plupart des cas. Cette première base va vous permettre de travailler sur les éléments fondamentaux de l’Atomic Research comme la Taxonomie.

Je pense que pour débuter justement la théorie, c’est intéressant de se baser sur l’existant et d’analyser le type d’informations et le type de données. C’est comme ça que la première version de notre taxonomie a été bâtie… Et puis après, on ne voit que si on doit rajouter des tables, rajouter des catégories. Mathieu Klein

Cette connaissance vous permettra de trouver vos premiers Tags sans être dans l’excès. De décrire et construire vos premières expérimentations, vos premiers parcours/Page. Pour finir, vous pourrez comprendre comment se déroule le processus d’analyse des facts jusqu’à la mise en place d’action dans vos équipes.

3- Construisez votre outil comme un produit BtoE

Votre base de données ou repository va être utile et exploitée par toute l’entreprise. L’objectif est que cette connaissance utilisateur se diffuse. Les outils doivent donc répondre aux attentes des collaborateurs et être mis à jour régulièrement.

Le repository doit donc être pensé comme un produit BtoE. Il faut bien le travailler, bien le structurer pour que la connaissance se diffuse correctement. Martin Dujol exprime le fait que l’on pourrait dédier une équipe produit à l’Atomic research. Le rôle de l’outil est très important. Il doit donc être bien conçu.

4- Pour finir, il est important d’aller parler aux personnes qui ont connu des échecs

Ça semble évident mais le point est important. D’autres ont essayé d’appliquer cette approche et adapter les outils à leurs contextes. Les contacter et échanger avec eux vous aidera à surmonter les obstacles liés au déploiement de l’Atomic Research dans votre entreprise.

Troisième question posée aux experts : Quelles sont pour vous les caractéristiques d’un bon Fact et celles d’un bon Insight ?

1- Avant de penser aux Facts et Insights, il est important de définir jusqu’où on veut aller dans l’approche de l’Atomic Research

L’ Atomic Research peut être utilisée pour analyser la donnée et construire un repository ou seulement pour construire un repository.

Il faut bien différencier ces deux usages, est-ce qu’on veut un repository ? Est-ce qu’on veut s’aider à l’analyse des données ? Ou est-ce qu’on veut les deux ?
Romain Dechamps

Ces questions permettent de donner une idée du niveau où l’on veut arriver dans l’Atomic Research. Cela permet de définir : si on y renseigne des facts que l’on va analyser et qui deviendront des insights ou alors seulement des insights qui ont été créés en dehors de l’outil.

2- Les facts sont de la donnée brute et factuelle sans interprétation ni analyse que l’on va ensuite explorer et découvrir

Un fact doit être fiable et doit directement venir des utilisateurs, il faut faire attention à ne pas prendre en compte les “on m’a dit que…”. Audrey Hacq

Un bon fact est atomique, ça veut dire qu’il est unitaire, on peut aussi l’appeler “nugget” et il peut être un verbatim, une observation, de la donnée quantitative non interprétée ou tout type d’information brute venant des utilisateurs.

Après analyse, un fact va pouvoir alimenter un ou plusieurs insights qui alimenteront une ou plusieurs recommandations.

Il ne faut pas avoir peur de la quantité de facts récoltés. Il est important de prendre le plus de facts possible et d’éviter ce biais qui nous pousse à ne prendre que les données dont on a besoin pour notre recherche du moment. Il est important de se rappeler qu’une information qui ne sert pas sur le moment pourra potentiellement servir plus tard.

3- Un Insight est une interprétation faite par un researcher en se basant sur les Facts ainsi que sur son expérience du métier

Un insight est une interprétation faite par un researcher qui est à la fois basée sur les données brutes à disposition (facts) ainsi que sur son expérience du métier de researcher et de la prise en compte du contexte. C’est le moment où le researcher apporte cette plus-value et ce regard d’expert.

Les insights sont ce que nous avons appris des facts, ils sont nourris d’un ou plusieurs facts provenant d’une ou plusieurs expérimentations.

Il ne faut pas seulement amener les facts qui corroborent l’hypothèse qu’on a mais aussi les facts qui viennent invalider l’hypothèse. La somme des facts vient pondérer la valeur de l’insight. Mathieu Klein

Un bon insight peut être associé à un moment de l’expérience et cela va par exemple permettre de :

  • le diriger vers un backlog
  • l’associer à des indicateurs de performance
  • le regarder sous l’angle de la Customer Journey

Il est important de prendre en compte les données qui ont permis de créer un insight afin de pouvoir mesurer sa valeur.

Exemple : si un insight provient de 5 utilisateurs qui ont dit la même chose lors d’une seule expérimentation à savoir des tests utilisateurs VS si un insight provient de 25 utilisateurs qui ont dit la même chose lors de plusieurs expérimentations (tests utilisateurs, étude quantitative…), les données issues des 25 utilisateurs ont plus de valeur, non seulement car il y a plus de données (utilisateurs) mais aussi car les expérimentations sont croisées.

Des insights peuvent avoir une multitude d’impacts, notamment sur la stratégie de l’entreprise (ex : l’utilisateur ne comprend pas la value proposition derrière le produit) ou sur le produit et le design, à savoir des insights plus opérationnels (ex : l’utilisateur n’arrive pas à passer sa commande).

4- Il est important de contextualiser et qualifier les Facts et Insights

Afin de contextualiser et qualifier les Facts et Insights, il est important de leur attribuer des métadonnées.

Exemples de métadonnées qui sont possibles d’attribuer aux facts et insights :

  • Date
  • Pays
  • Persona qui a émis le verbatim
  • Moment de la user journey
  • NPS associé
  • Objectifs business

Les données (Facts et Insights) peuvent se périmer et c’est aussi pour ça que les métadonnées sont des informations importantes. Elles vont apporter une aide permettant de se rendre compte si les données sont d’actualité et pertinentes pour notre réflexion.

Il est important de ne pas perdre de vue les objectifs business que la connaissance utilisateur vient servir. Domitille Aulagnier-Collin

Associer des faits et des insights à des objectifs business va permettre de donner plus de poids à la recherche utilisateur et avoir un discours précis lorsque l’on s’adresse aux clients ainsi qu’aux stakeholders.

Pour ce faire, la taxonomie doit être adaptée, il faut par exemple pouvoir identifier si un Fact touche à la fidélisation ou s’il touche à la notoriété.

Quatrième question posée aux experts : Comment définissez-vous la valeur des données récoltées ?

1- La valeur est généralement définie par les UX Resarcher

La valeur des données récoltées reste généralement à l’appréciation des UX Researcher et cela nous rappelle la complexité de leur travail.

2- Les Facts doivent être de bonne qualité

La collecte des Facts est un moment critique, les Facts étant la matière première de tout le travail, ils doivent être de très bonne qualité ce qui implique de s’appliquer lors de leur collecte.

La valeur des données récoltées et analysées repose en grande partie sur la collecte des Facts. Si les Facts sont de bonne qualité, les insights et recommandations auront plus de chances de l’être.

3- Le nombre de Facts et la diversité des expérimentations, deux bons indicateurs pour définir la valeur des Insights

Le nombre de faits et la diversité des expérimentations qui convergent vers un insight sont deux bons indicateurs permettant de définir la valeur des insights.

À priori plus on a de Facts plus l’insight a du poids. Néanmoins, il n’y a pas de formule miracle pour définir le poids des Facts et des Insights.
Romain Dechamps

Afin d’avoir une donnée qui n’est pas biaisée, il est important de comptabiliser les facts en faveur et en défaveur de l’insight.

4- Définir la criticité des données, une manière de définir leur valeur

D’identifier la criticité des facts, des insights, leur impact ainsi que leur cost of delay, permet de se rendre compte à quel point il est important de résoudre le problème identifié.

5- Ne pas avoir peur de se retrouver avec un trop grand nombre de Faits

Il ne faut pas avoir peur d’avoir de grandes quantités de données, tout le monde aime la donnée, c’est cool. Mathilde Gautier

Les Facts étant la matière à partir de laquelle une réflexion peut commencer, il ne faut pas avoir peur d’en avoir une grande quantité. Il faut en revanche qu’ils soient de qualité et bien tagués afin de pouvoir les exploiter facilement.

6- La taxonomie, une aide pour définir la valeur des Facts et des Insights

Il est important de réfléchir sérieusement à la manière de taguer les facts et les insights.

Taguer sur plusieurs dimensions les Facts et les Insights donnera la possibilité de faire des clusters intéressants et comprendre par exemple

  • si c’est un sujet lié à l’expérience utilisateur de mon produit
  • si c’est un sujet qui est lié au wording de mon produit
  • quel moment du parcours est concerné

L’idée est de pouvoir organiser et regrouper les informations afin de les traiter plus facilement.

Il y a sûrement un grand nombre de personnes qui vont être amenées à intervenir et à analyser les données récoltées et comme nous sommes tous humain et que chacun a sa manière de voir les choses, il est important de définir un langage commun. Mathilde Philippe

Exemple d’éléments à définir

  • la langue à utiliser
  • la taxonomie à employer
  • s’aligner sur la définition des termes utilisés

7- Faire attention à ne pas avoir un trop grand nombre de tags

Les tags doivent être réfléchis et il faut faire attention à ne pas avoir un trop grand nombre de tags. Comme la matière brute est clé, la manière dont la matière brute est taguée est aussi un moment clés dans l’expérience.

Le fait ne pas avoir trop de tags est quelque chose d’important. Mathilde Philippe

Voici quelques risques avec un trop grand nombre de tags :

  • les créer va prendre beaucoup de temps
  • il va être difficile de s’y retrouver parmi tous les tags disponibles
  • les personnes sensées utiliser tous ces tags ne le feront pas

Les tags doivent parler d’eux mêmes, être facilement identifiables et utilisables.

Cinquième question posée aux experts : Quels sont vos hacks et vos évolutions sur la méthode initiales ?

1- Intégrer des Facts dans la base de donnée en les pré-taguant automatiquement

Dû à une grande quantité de données récoltées via des sources variées comme NPS, Zendesk ou encore des commentaires de réseaux sociaux, le hack de Mathieu Klein est de s’orienter vers l’intégration automatique dans la base de donnée de Facts bruts pré-tagués.

L’idée est d’envoyer directement les intégrations et segments zendesk en les taguants automatiquement sur le bon persona et la bonne user journey. Le but étant de gagner du temps lors de la phase de taguage qui peut s’avérer assez longue.

2- Associer les données récoltées à une Customer Journey

Le principal hack de Romain est de relier les données à des Customer Journey ce qui a permis de connecter cette base d’enseignement avec d’autres sujets et équipes.

La base de donnée a été connectée avec le backlog de chaque feature team ce qui permet d’envoyer directement les bons insights et les bonnes recommandations dans le bon backlog.

Les researcher pushent l’information vers les features team au lieu que ce soit eux qui viennent la chercher et cela est assez fort en terme d’adoption.

Les NPS sont aussi associés aux insights ce qui permet aux features d’avoir de la visibilité sur les NPS qui seront impactés en fonction des insights traités.

3- Une vue Kanban pour rendre les recommandations très actionnables

Martin a quant à lui mis en place un kanban pour visualiser de façon efficace les recommandations et de se rendre compte de ce qui doit être fait : est-ce qu’elle doit être traitée immédiatement ou nécessite encore de la réflexion ? Est-ce que c’est un sujet pour le PM, l’UX ou l’UI ? Est-ce que c’est un sujet de wording ?

L’idée étant d’être le plus concret possible sur les next steps afin de pouvoir délivrer rapidement.

En conclusion

Cette première table ronde a été très intéressante et très riche en information. Tellement riche que nous n’avons pas eu le temps d’aborder toutes les questions que nous souhaitions poser.

Pour cette raison, nous proposons de faire une deuxième table ronde. On y abordera les problématiques de gouvernance et de diffusion de l’approche AR dans l’entreprise.

Pour être informé de la prochaine table ronde. N’hésitez pas à partager votre profil linkedIn en commentaire de cet article ou nous suivre sur LinkedIn. Nous vous promettons de vous partager le lien du prochain évènement.

Cet article a été écrit par :

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